Et si tout était prévu depuis le début ?
En 2022, Elon Musk rachète Twitter pour 44 milliards de dollars.
En 2024, il fusionne X (nouveau nom de Twitter) avec xAI, sa start-up d’intelligence artificielle, pour 45 milliards.
À première vue, on pourrait croire à une opération opportuniste, désordonnée, voire impulsive. En réalité, cette séquence forme un enchaînement stratégique précis : Musk a donné à Grok, son modèle d’IA, un accès direct à l’une des bases de données conversationnelles les plus massives et dynamiques du monde.
- 600 millions d’utilisateurs.
- Des milliards de textes, images, vidéos.
- Un flux continu, temps réel, ultra-contextualisé.
X n’est plus un réseau social, mais bien une matière première !
Ce que Grok consomme n’a rien à voir avec des datasets publics ou des articles de presse.
Ce sont des messages bruts, des échanges spontanés, des réactions à chaud. Une donnée vivante, unique, impossible à reproduire ou à acheter ailleurs.
À l’ère de la rareté de la donnée conversationnelle, Musk détient un pipeline privé, continu, auto-alimenté. C’est un différenciateur majeur par rapport à OpenAI, Google, Anthropic ou Mistral, qui s’appuient sur des données plus classiques, parfois plus figées.
En intégrant X à xAI, Musk transforme un actif médiatique en ressource stratégique pour entraîner, affiner et ajuster ses modèles. L’accès exclusif à la donnée devient un avantage compétitif structurel. C’est une logique d’extraction, pas de média.
La fusion xAI + X n’est pas qu’un projet IA. C’est aussi une opération financière.
X, dévalorisé de 70 % fin 2023, est absorbé par xAI — une entreprise positionnée sur un secteur hautement spéculatif et valorisé.
C’est un mécanisme connu : transférer un actif en perte de vitesse dans un véhicule à forte valorisation pour en réactiver la valeur.
La capitalisation ne repose pas sur des synergies économiques tangibles, mais sur un récit. Un pari sur l’avenir, sur l’IA, sur Musk lui-même.
Paul Krugman, dès 1999, dans The Return of Depression Economics, décrivait ce décalage croissant entre valorisation boursière et productivité réelle. Joseph Stiglitz, dans Freefall, ira plus loin en montrant comment des récits séduisants permettent de justifier des mouvements de capitaux déconnectés de la création de valeur réelle.
La bulle Internet n’était pas un accident. C’était une logique.
La fusion xAI + X s’inscrit dans cette continuité.
Là où OpenAI dépend de Microsoft, Anthropic d’Amazon, et même Google d’Android, Musk a verrouillé toute la chaîne :
Il n’y a aucun maillon externe. Pas de dépendance.
C’est une infrastructure souveraine, intégrée de bout en bout.
La croissance attendue du chiffre d’affaires publicitaire de X (2,26 Md$ en 2025) ne provient pas d’une explosion d’audience ou de performance.
Elle repose sur autre chose : une forme de pression implicite.
De nombreux annonceurs, y compris des géants comme Apple et Amazon, maintiennent leur budget sur X non pas pour des raisons économiques, mais pour des raisons politiques.
Présence à l’investiture présidentielle. Peur d’être ciblés. Anticipation de représailles.
Jasmine Enberg, analyste chez Emarketer, l’exprime sans détour : pour certains groupes, X est devenu un poste de dépense défensif, au même titre que la cybersécurité ou les relations publiques.
Selon une étude du Center for Business and Human Rights (NYU Stern, 2023), 58 % des entreprises du Fortune 500 ajustent leur stratégie de communication en fonction de l’orientation politique des plateformes.
Le Edelman Trust Barometer 2024 confirme : 61 % des responsables marketing placent “l’évitement d’un scandale” au même niveau que “l’optimisation des ventes”.
Ce n’est plus du marketing. C’est de la stabilisation politique.
Le rachat de Twitter n'était pas un échec.C’était une étape.
Aujourd’hui, Elon Musk contrôle l’une des rares IA capables de s’entraîner sur une base de données conversationnelle mondiale, à grande échelle, sans dépendre d’aucun tiers.
Ce qu’il assemble n’est pas seulement un modèle. C’est une infrastructure complète :
— La donnée pour apprendre
— La plateforme pour diffuser
— Le compute pour entraîner
— Le pouvoir politique pour protéger
Twitter n’était qu’un point d’entrée. Le vrai plan, c’est xAI